Vous êtes ici
Neuroscience Letters
Un biomarqueur électrique et électronique, un peu d’intelligence artificielle et on aurait LA bonne évaluation de la douleur objective…?
De nombreux soignants en ont rêvé, une équipe américaine nous la propose : une machine à évaluer la douleur !
La crise des opioïdes aux USA n’aura peut être pas seulement pour conséquence une prise de conscience de mésusages dramatiques et de communications malheureuses, mais peut être apportera-t-elle des pistes ou au moins des travaux pour proposer un outil technologique d’évaluation de la douleur. Pourquoi ? Car en réponse à cette crise, la NIH (National Institute for Health) a octroyé des budgets conséquents dans la recherche et de développement de « biomarqueurs » de la douleur. Qu’appelle-t-on alors un « biomarqueur » ? Voici la définition du « Biomarker Definitions Working Group » de 2001 : il s’agit d’ « une caractéristique objectivement mesurée et évaluée en tant qu'indicateur de processus biologiques normaux, de processus pharmacologiques ou de réponses pharmacologiques à une intervention thérapeutique ».
Pour les auteurs, il s’agira pour la douleur d’une donnée numérique générée par un outil. Il doit répondre à plusieurs critères : un taux d'échantillonnage élevé; être sûr, pratique et rentable; être applicable aux espèces évolutives et être numérique.
L’IRM fonctionnelle pourrait répondre aux critères, mais n’est pas le choix de cette équipe, du fait de l’utilisation des appareils et du coût, les critères précédemment cités ne sont pas réunis.
L’EEG a leurs faveurs. Même si des données ne sont pas encore suffisantes, on observe des variations de rythmes d’ondes EEG attribuées au thalamus, avec des dysrythmies dans des contextes de douleurs. Il reste encore à observer ces modulations lors de l’administration d’antalgiques et d’étudier la relation entre les variations EEG et la douleur chronique.
La deuxième étape de la construction de ce biomarqueur nécessite l’élaboration d’un logiciel au problème capable de reconnaître les formes d'activité cérébrale liées à la douleur. Il devra pouvoir limiter les biais analytiques dus à une intervention humaine, définir les intervalles de temps optimaux pour l'analyse EEG, intégrer l’intelligence artificielle.
Utopie ou réalité à venir ? Techniquement, cela semblerait possible, à l’aide d’outils modernes et de l’intelligence artificielle associée au bon vieil EEG. Mais il ne faudra pas perdre de vue l’humain, l’émotionnel, le social, qui font parties intégrantes des processus d’entretien, de chronicisation de la douleur. Cette réponse très « technique » dans le contexte de la crise des opioïdes aux USA est probablement encore une fois le marqueur d’une société ou l’on se fie plus à la technologie, à l’outil qu’à l’écoute et à l’analyse de l’être humain, de ses plaintes, de ses besoins…
Reference
Joshua Levitt, Carl Y.Saab,
What does a pain ‘biomarker’ mean and can a machine be taught to measure pain? Neuroscience Letters, Volume 702, 29 May 2019, Pages 40-43