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Pain Research & Management

Pour les enfants, les médicaments ne sont pas des bonbons… quels antalgiques ? Pour quoi ? Comment ? Et les effets indésirables !

3
février 2017
Douleur de l'enfant

En pédiatrie, dans la prise en charge de la douleur, les méconnaissances ou les fausses croyances concernant les antalgiques, leur utilisation ou leurs effets secondaires sont souvent responsables d’un défaut de prescription et d’un retentissement sur la qualité de vie de ces jeunes patients. Certaines données rapportent pour des enfants hospitalisés 9% d’effets indésirables (EI) alors que d’autres sont plutôt autour de 30 à 50% de cas présentant au moins un EI.

Il fallait donc y voir plus clair dans toutes les données existantes de cas cliniques ou dans des études et c’est ce qu’ont fait les auteurs de cet article. Une revue de littérature a été réalisée, incluant 23 études, 2300 patients. Différents types d’EI ont été identifiés : gastro-intestinaux (GI), neurologiques centraux (NC), dermatologique set respiratoires. Chaque classe de médicament, chaque molécule a été analysée : paracétamol, ibuprofène, les opioïdes faibles et forts.

Première donnée intéressante et qui met fin à certains à priori : le paracétamol et l’ibuprofène ont les mêmes risques de nausées et de vomissements. Il faut faire la différence entre l’utilisation de ces deux molécules dans un but antipyrétique ou antalgique, contexte qui modifie les risques d’apparition d’EI compte tenu du terrain (infectieux ou non, maladie évolutive etc…). Traditionnellement le paracétamol, largement prescrit, est considéré comme le moins pourvoyeur d’EI gastro-intestinal ou en tout cas très minime, et l’ibuprofène déconseillé au long court pour les raisons inverses. Les auteurs reviennent donc sur ces notions et conseillent d’utiliser au choix l’un des deux qui aura le plus d’effet antalgiques cliniquement observable, même en utilisation prolongée. Il est d’ailleurs rappelé que l’ibuprofène est plus efficace dans les situations de fractures, entorses ou en port-opératoire.
Concernant les opioïdes (oxycodone, morphine ou codéine), les risques NC sont très bien connus et souvent « redoutés » (somnolence, vertiges), notamment quand ces symptômes peuvent avoir un impact négatif, à l’école, une somnolence diurne… Les recommandations sont alors de préférer l’ibuprofène ou le paracétamol pour les douleurs légères à modérées.
Les opioïdes devraient être rajoutés aux non opioïdes plutôt que de les remplacer, pour les cas de douleurs modérées à sévères (stratégie validée par l’OMS). La codéine fait l’objet de modification de recommandation d’utilisation depuis 2015 avec contre-indication en dessous de 12 ans. Cette molécule, en monothérapie présente plus d »’effets GI que tout autre antalgique, même les opioïdes. Concernant les effets dermatologiques, ils sont plus importants également avec les opioïdes forts et même doublés avec la codéine, par contre les symptômes respiratoires sont rares quelque soit la molécule (opioïde ou non opioïde).
Ces différentes données prouvent de nouveau la nécessité d’évaluer « en vie réelle » les effets de nos médicaments (effets antalgiques ou effets secondaires). Elles ne sont qu’un reflet de ce qui est observable, car il faudrait de plus amples recueils plus exhaustifs (notamment de pharmacovigilance). Il est intéressant de noter qu’il faut lutter contre des à priori et de remettre en question nos pratiques, en se basant sur l’evidence based medicine. Mieux connaître la pharmacologie, les mécanismes des douleurs, réfléchir à la balance bénéfice-risque pour nos jeunes patients et replacer le tout dans un contexte clinique global avec des objectifs d’amélioration de qualité de vie : voilà comment nous pourrons faire progresser nos pratiques dans le bon sens.

Reference

Lisa Hartling, 1 , Samina Ali, Donna M. Dryden, 1 Pritam Chordiya, 1 David W. Johnson, Amy C. Plint, Antonia Stang, Patrick J. McGrath, and Amy L. Drendel
Pain Res Manag. Dec. 2016; How Safe Are Common Analgesics for the Treatment of Acute Pain for Children? A Systematic Review

Auteur

Rodrigue Deleens

Coordonnateur et directeur de la publication/Responsable éditorial Praticien Hospitalier -Centre d'Évaluation et de Traitement de la Douleur CHU de Rouen Médecin attaché, CETD Hôtel Dieu, AP-HP