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Pain Physician

Marie-Jeanne, une algologue en herbe ?!

3
octobre 2017
Douleurs neuropathiques

Les premières utilisations médicinales du cannabis (chanvre) sont attribuées à l’empereur chinois Shen Nung vers 2 700 avant JC.
Plus de soixante cannabinoïdes sont recensés. Le tétrahydrocannabinol responsable des effets psychotropes, le cannabidiol et le cannabinol sont les plus répandus.
Jusqu’à maintenant, les publications ont montré des résultats très hétérogènes concernant leur efficacité antalgique.
Les auteurs de cette méta-analyse ont colligé toutes les études portant sur le sujet de 1975 à 2015, soit 1126 publications, mais seulement 24 rapportant des études comparatives randomisées, double aveugle ont été retenues pour l’analyse.
Diverses conditions ont été étudiées : douleur chronique non cancéreuse  / cancéreuse / neuropathique  et la douleur aigue post-opératoire. Les voies d’administration étaient inhalée, fumée ou digestive. Les groupes contrôle étaient majoritairement des placebos mais pouvaient également être des substances actives (dihydrocodéine). Certaines études comportaient plusieurs bras avec plusieurs concentrations du cannabinoïde testé, qui était lui-même très variable (THC, dronabinol … etc). L’objectif principal était la diminution de l’intensité douloureuse basale sur l’échelle numérique.

Les résultats ont montré que par rapport au placebo, la voie inhalée était la plus efficace, que les cannabinoïdes ont une efficacité sur les douleurs chroniques cancéreuses / non cancéreuses et neuropathiques mais pas sur la douleur aigue post-opératoire. Néanmoins, l’effet antalgique était limité.
Les effets secondaires les plus fréquents comparé au placebo étaient neuropsychiques (vertiges, somnolence), gastro-intestinaux (nausée, vomissements), psychologiques (anxiété, dépression), visuels (diplopie, troubles visuels) et ORL (acouphènes). Ce travail est intéressant car fait le point sur toutes les publications concernant ce sujet controversé, et ce sur une très large période de 40 ans permettant ainsi d’avoir du recul. Malheureusement, il présente également des limites : prise en compte uniquement des articles publiés en anglais, très hétérogènes dans leur design (nature des groupes contrôle, indications, …), critères d’efficacité antalgique flous (diminution de l’EN de 2 points ? de 30 % ? de 50% ?), certains patients avaient une consommation antérieure récréative de cannabis et d’autres pas, … L’article ne parle pas non plus des effets secondaires à moyen / long terme.

D’après cette méta-analyse, on peut conclure que les cannabinoïdes sont antalgiques (surtout dans la douleur neuropathique), mais cet effet est très modéré au prix d’effets secondaires évidents comparé au placebo.

Inversement, au vu des limites sus-citées, cet effet peut-il avoir été minimisé ? Il est donc plus que jamais nécessaire de disposer d’études rigoureuses sur le sujet … au risque de se faire enfumer …

Reference

Aviram J, Samuelly-Leichtag G.
Efficacy of Cannabis-Based Medicines for Pain Management: A Systematic Review and Meta-Analysis of Randomized Controlled Trials.Pain Physician. 2017 Sep; 20(6):E755-E796

Auteur

Bich Dang-Vu

Médecin algologue à l'Unité de Coordination
Douleur
Hôpital Foch, Suresnes