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Annales Médico-psychologiques, revue psychiatrique
« Lomburn-out » : Colère et injustice dans le box des accusés…
Face à l'apparition d’une douleur aigue, les croyances peur–évitement (CPE), la kinésiophobie et le catastrophisme sont des facteurs de risque reconnus dans la littérature, pour la chronicisation douloureuse et l’incapacité fonctionnelle. De nombreuses publications ont démontré le rôle péjoratif joué par ces facteurs, notamment auprès des patients souffrant de lombalgies communes (PL). La lombalgie commune (LC) demeure la première cause d’absentéisme au travail. Par ailleurs, les conséquences négatives du burn-out (stress, syndrome d’épuisement professionnel) sur la santé somatique comme mentale des professionnels a fait l’objet de nombreux travaux; en particulier auprès des PL. Le burn-out s’installerait progressivement, débutant par un stade d’épuisement émotionnel suivi d’un stade de dépersonnalisation (déshumanisation de la relation à l’autre) pour aboutir à un stade caractérisé par une baisse de l’accomplissement personnel.
Curieusement, très peu d’études consacrées aux PL se sont intéressées aux relations unissant toutes les variables psychologiques précitées, avec le contexte professionnel. L’attention des auteurs de cet article s’est portée sur un échantillon de 256 PL primo consultant (âge moyen de 41 ans, avec près de 53 % de femmes) au sein d’un service de consultation de pathologie professionnelle, au CHU d’Angers. Environ 50 % de l’échantillon était en arrêt de travail, reconnu en maladie professionnelle avec une ancienneté douloureuse supérieure à 5 ans. Étaient exclus de cette recherche les majeurs protégés et les sujets souffrant de troubles psychiatriques importants. Tous les participants devaient compléter une série d’auto questionnaires mesurant: l’intensité douloureuse (EVA), l’incapacité fonctionnelle, le burn-out, le catastrophisme et les CPE. Ils présentaient un niveau élevé de burn-out, en terme de diminution de l’accomplissement professionnel.
Les premiers résultats obtenus avec le traitement statistique des données confirment l’état des connaissances. Parmi les CPE, celles portées sur le contexte professionnel présentaient le plus fort pouvoir prédictif en termes d’intensité douloureuse et de répercussions fonctionnelles. Plus intéressant encore : la découverte de corrélations faibles, positives et significatives entre le burn-out et : l’intensité douloureuse, les répercussions fonctionnelles sur les activités de la vie quotidienne, le travail et les loisirs, l’humeur et la sociabilité. Le burn-out augmentait le pourcentage de variance de l’intensité douloureuse et de l’incapacité fonctionnelle.
Les auteurs discutent leurs résultats en introduisant une nouvelle variable: le sentiment d’injustice perçue. Avec la colère, il modérerait les relations entre le burn-out et les autres variables psychologiques étudiées ici. En effet, les CPE et le catastrophisme ne seraient pas uniquement liés à la kinésiophobie mais également au contexte professionnel perçu comme un préjudice subi : « Ce que je vais faire au travail ça va me faire mal. Je ne suis pas prêt à me mettre en difficulté car ce n’est pas reconnu ». Les CPE étaient plus élevées chez les employés et les ouvriers, comparativement aux artisans, commerçants et chefs d’entreprise. Ce qui suggère l’existence d’un autre facteur de risque pour la chronicisation douloureuse et l’incapacité fonctionnelle : le travail en équipe. À ce titre, des méta–analyses identifient la faible latitude pour la prise de décision comme un des facteurs de risques psychosociaux les plus importants dans la LC.
Cette publication française se démarque par l’originalité des questions qu’elle pose. Elle encouragera les chercheurs à davantage d’études, auprès de populations douloureuses variées, portant sur la valeur pronostique du burn-out. Elle rappellera aux praticiens l’importance d’évaluer la qualité de vie au travail auprès des PL.
Reference
Le Borgne M et coll.
Burnout et lombalgies chroniques liées au travail : l’importance des dimensions interpersonnelles comme facteurs de risque. Ann Med Psychol 2019;177:243-249.