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Revue du Rhumatisme

Le traitement des douleurs musculosquelettiques et articulaires : « Alors Docteur, ça donnerait quoi avec un peu de cannabis ? »

2.01
mai 2019
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L’ANSM (Agence Nationale de Sécurité du Médicament), après avis auprès du Comité scientifique spécialisé temporaire « évaluation de la pertinence et de la faisabilité de la mise à disposition du cannabis thérapeutique en France », est favorable à l’usage du cannabis à des fins médicales dans les indications suivantes, après échec ou insuffisance d’une prise en charge thérapeutique pluridisciplinaire (médicamenteuse ou non) : dans certaines formes d’épilepsies sévères et réfractaires, dans le cadre des soins de support en oncologie, dans les situations palliatives, dans la sclérose en plaques et dans certaines maladies rares et/ou orphelines.

L’article cible les douleurs musculosquelettiques et articulaires, en se posant la question de la pertinence ou non de l’utilisation du cannabis médical en tant que nouvelle option analgésique. Des médicaments à base de cannabis sont maintenant autorisés dans plusieurs pays, malgré de multiples controverses, incertitudes et amalgames entre légalisation et innovation médicamenteuse. La lutte contre la légalisation du cannabis à usage récréatif et médical en Europe et en Amérique du Nord a contribué à un regain d’intérêt vis-à-vis de ce dernier. Le cannabidiol, le tétrahydrocannabinol et d’autres phytocannabidoïdes ont été synthétisés dans les années 1960 en Israël, par Raphaël Mechoulam et son équipe. Il faut bien différencier le cannabis à visée récréative des cannabinoïdes à but médical. Le cannabis végétal désigne la plante entière, une partie (bourgeons, feuilles) ou des produits issus de la plante (résine) : c’est le cannabis sativa, le haschisch, la marijuana… Le cannabis médical désigne la plante entière de marijuana non traitée : marijuana médicale. Les cannabinoïdes sont des composés chimiques ayant une affinité et une activité avec les récepteurs cannabinoïdes : tétrahydrocannabinol (THC), cannadibiol (CBD), huiles de cannabis. Les médicaments à base de/ou dérivés du cannabis sont issus de la plante ou purifiés et enregistrés pour des indications médicales : dronabinol (MARINOL), Nabilone (CESAMET), Nabiximols (SATIVEX), Epidiolex. Les endocannabinoïdes sont des ligands endogènes actifs au niveau des récepteurs cannabinoïdes (Anandamide, 2-AG).  Enfin, les agonistes ou antagonistes des récepteurs cannabinoïdes inhibent l’enzyme catabolique et augmentent les taux de cannabinoïdes endogènes. En plus de leurs effets sur la douleur chronique, le cannabis et les médicaments à base de cannabis ont été proposés pour diminuer la spasticité (SATIVEX), traiter les troubles du sommeil, les nausées, les vomissements induits par la chimiothérapie, améliorer l’épilepsie, l’hypertension, les troubles de la motricité et neurodégénératifs et même avoir des propriétés anti-cancéreuses.

En soins palliatifs pour les douleurs liées au cancer, le cannabis et les cannabinoïdes pourraient avoir un rôle intéressant lorsque les opioïdes sont insuffisants. Certaines études ont montré leur efficacité dans le traitement des douleurs neuropathiques d’origine diabétique ou liées au VIH. Malgré tout, il est encore impossible de mettre en avant un médicament à base de cannabis plutôt qu’un autre car ils n’ont pas été comparés entre eux. Abordons maintenant les douleurs musculosquelettiques et articulaires, qui sont parfois difficiles à soulager avec des antalgiques classiques. Les médicaments à base de cannabis auraient des effets analgésiants mais aussi anti-inflammatoires, puisque les récepteurs cannabinoïdes sont impliqués dans l’inflammation. Dans la lombalgie : il n’existe aucun essai clinique valide sur les médicaments à base de cannabis ; le Nabilone n’a lui pas réduit de façon significative l’intensité de la douleur ; il en est de même dans la fibromyalgie.

Dans une étude regroupant 58 patients atteints de polyarthrite rhumatoïde, le THC/CBD a réduit les douleurs matinales mais pas l’intensité totale de la douleur. A l’heure actuelle, aucun essai n’existe sur les effets du cannabis végétal dans les maladies rhumatismales. On peut trouver des données sur l’utilisation du cannabis végétal auprès de patients souffrant de douleurs chroniques liées à des symptômes musculosquelettiques ou arthritiques : la plupart ont perçu le cannabis végétal comme efficace, avec un point commun à toutes ces études longitudinales : l’usage récréatif du cannabis. Les agonistes ou antagonistes des récepteurs cannabinoïdes, du fait de leur rôle dans l’augmentation des taux de cannabinoïdes endogènes, pourraient jouer un rôle de modulateurs de l’inflammation. Malheureusement, des problèmes létaux ont fait stopper certains programmes de recherche. Les médicaments à base de cannabis ont aussi des effets indésirables, tels que : des étourdissements, une somnolence, des effets cognitifs et digestifs (nausées, constipation), une sécheresse buccale. Le point positif : aucune étude n’a recensé d’effet secondaire grave. Par contre, un risque létal a été relevé dans certaines études, en lien avec l’utilisation des agonistes ou antagonistes des récepteurs cannabinoïdes. Il n’y a donc à l’heure actuelle aucune recommandation concernant le cannabis et les médicaments à base de cannabis pour le traitement des douleurs musculosquelettiques et articulaires. Devant les demandes grandissantes des patients, l’avenir appartient à la recherche.

Reference

Perrot Serge , Trouvin Anne-Priscille
Le cannabis dans les douleurs musculosquelettiques et articulaires : des preuves sont nécessaires. Revue du rhumatisme. Volume 86, Issue 3, May 2019, Pages 215-218.

Auteur

Lauriane Fourel

Centre d'Evaluation et de Traitement de la Douleur - Centre Hospitalier Bayeux Structure Douleur Chronique - Centre de Lutte Contre le Cancer François Baclesse Caen Invitations en qualité d'auditeur (Mundipharma, Astellas, Grünenthal)